Note de la rédaction : Plus d’un demi-million de Canadiens vivent avec la démence. On s’attend à voir ce nombre presque doubler au cours de la prochaine décennie.
Dans le cadre d’un forfait spécial pour le mois de la sensibilisation à la maladie d’Alzheimer, The Chronicle Herald offre à ses lecteurs un roman sous forme de livre électronique qui raconte l’histoire d’une famille canadienne de la région atlantique qui vit avec la démence.
Pour un type qui approche de sa 86e année et qui est atteint de démence, la ligne est mince entre le pessimisme et l’optimisme. Et je me trouve pile sur cette ligne. J’espère
seulement pouvoir y rester jusqu’à la fin. Le pessimisme n’aide personne.
Chaque jour, je constate un déclin, physique tout autant que mental de mes capacités. Je suis souvent fatigué sans avoir fait quoi que ce soit. Je demande sans cesse à ma femme Dorothea de me répéter des noms, souvent dans la conversation même où le nom vient d’être mentionné. Cette femme est un trésor de patience.
J’ai été quelque peu mis à l’épreuve au dernier Noël, quand j’ai essayé de me rappeler les cadeaux que j’avais reçus et qui m’avait donné quoi. Mais d’avoir toute la famille rassemblée pour Noël a été en soi une formidable récompense.
Dorothea a réussi à organiser la fête annuelle du lendemain de Noël. La plupart des invités sont des amis de Sheila, de Peter et de Donna, mais ce sont nos amis aussi. Je n’avais pas revu la plupart d’entre eux depuis la dernière fête d’après-Noël, mais aucun ne semblait mal à l’aise, ce que j’ai beaucoup apprécié. Je me suis souvenu de beaucoup d’entre eux. Certains m’ont gentiment rafraîchi la mémoire. D’autres m’ont parlé de leur expérience avec la démence dans leur propre famille.
Et j’ai eu droit à beaucoup de câlins.
Récemment, Dorothea et moi avons fait une vidéo de promotion pour la Société Alzheimer. Elle a été diffusée sur les ondes de CTV. Dans l’une des scènes, je sers une tasse de thé à Dorothea. Je l’ai fait de manière très cérémonieuse, et non pas comme je le fais habituellement, en versant de l’eau chaude sur une poche de thé et en l’amenant dans le boudoir.
Donna a trouvé amusant de me voir écarter les voilages des fenêtres du salon, une chose qui m’est normalement interdite.
Je ne suis pas réduit à faire seulement contre mauvaise fortune bon cœur. Je suis vraiment rassuré de savoir que lorsque la démence me fera perdre l’esprit, nos enfants aideront leur mère à s’en sortir. Ma fille Donna et ma bru Carol (une infirmière) nous ont fourni et elles continuent de nous fournir un inestimable appui tous les jours. Peter veille sur sa mère; il est son homme à tout faire… toujours là quand on en a besoin. Sheila, notre aînée, habite Toronto. Elle reste avec nous quand elle nous rend visite. Avec sa vivacité et sa gaieté irrésistible, elle allège le fardeau qui pèse sur les épaules de sa mère.
Le jour même où j’ai reçu mon diagnostic, j’ai cessé de conduire, afin d’épargner ce souci à ma famille.
Il y a quelque temps, mon fils Peter a remarqué que j’avais écrit une histoire pour mes petits-enfants. J’ai toujours regretté de ne pas en savoir plus sur la vie de mes grandsparents. Il en a fait imprimer un certain nombre d’exemplaires à couverture rigide et il en a remis un à chaque petit-enfant.
Je serais prêt à parier qu’aucun d’entre eux ne l’a encore lu, mais je pense qu’ils le feront éventuellement. L’équipe qui a produit la vidéo de CTV que nous avons faite pour la Société Alzheimer a inclus une séquence sur ce livre.
Au début de ma maladie, Dorothea et moi avions accepté d’en parler publiquement lorsqu’on nous a demandé de prendre part à une interview avec l’animatrice de radio de la CBC, Anna Maria Tremonti. Nous continuons de croire que ce fut une sage décision.
J’ai récemment lu que l’espérance moyenne de vie est de 82 ans au Canada. Je vais avoir 86 ans dans quelques mois. Pour quelqu’un atteint de démence croissante, il doit y avoir là de quoi se réjouir.
https://www.thechronicleherald.ca/opinion/1540296-darce-fardy-dementia-and-keeping-life%e2%80%99s-glass-half-full