J’étais la médiathécaire de la télévision à CBC North/Radio-Canada Nord, basée à Yellowknife, responsable des trois territoires de l’Arctique, de 2002 à 2014, lorsque j’ai pris ma retraite et que je suis revenue vivre à Toronto.
Mon travail au jour le jour consistait à monter et à archiver des séquences de films et à cataloguer les reportages quotidiens des reporters. J’adorais mon travail et j’étais à la fois enthousiaste et fière d’ajouter à l’histoire de l’Arctique canadien et du Service du Nord. J’étais également soucieuse de mettre en valeur les enjeux culturels et politiques des Autochtones du Yukon, des Territoires du Nord-Ouest et du Nunavut. J’entendais les gens parler en langues autochtones tous les jours au travail et ces personnes avec qui je travaillais ou que je rencontrais m’en ont appris bien plus que tous mes livres d’histoire.
Lorsque la Commission de vérité et réconciliation (CVR) a été mise sur pied, j’ai été ravie de constater que Marie Wilson, ancienne reporter et directrice régionale du Service du Nord, était l’une des commissaires. Personnellement, j’ai un lien « autochtone » par l’entremise de mon défunt mari, un Cri de l’Alberta dont tous les membres de la famille sont passés par les pensionnats indiens. En conséquence, toute ma belle-famille a subi des traumatismes intergénérationnels et souffert la perte de sa culture et de sa langue. Je m’attendais à ce que le processus de la CVR soit un événement important dans l’histoire du Canada et dans l’avancement des relations de nation à nation avec les Autochtones.
Au Service du Nord, j’ai passé de nombreuses années à cataloguer les témoignages crève-cœur devant la CVR, souvent mot pour mot, de survivants qui ont courageusement relaté leurs expériences horribles. C’était un travail très important et ô combien nécessaire.
Je ne me suis jamais plainte. J’ai toutefois souffert de dépression, d’insomnie et d’autres problèmes au fil des ans. Et, peu après ma retraite, mon traumatisme s’est accentué. J’ai cherché à obtenir une thérapie et on m’a diagnostiqué un trouble de stress post-traumatique (TSPT). À ce jour, une foule d’événements peuvent déclencher un épisode traumatique, la mention d’histoires dans les pensionnats, des rapports ou des documentaires sur la CVR, voire même des discussions sur les appels à l’action de la CVR. Je suis souvent incapable d’entendre des témoignages de la CVR, même en tant qu’alliée. Je poursuis ma thérapie. Ma fille adulte est très impliquée dans la communauté autochtone de Toronto. Malheureusement, en raison de mon TSPT, il m’arrive souvent de ne pouvoir assister aux cérémonies ou autres événements qu’elle dirige ou organise.
Cela me rappelle à quel point la santé mentale est importante pour bien vivre.
Marita Hollo
Retraitée de CBC/Radio-Canada, Toronto
Le 10 avril 2019