Le 25 janvier 2025, l’une de nos membres, Judi Milne, a reçu cette réponse écrite du député conservateur Rick Perkins, député de South Shore-St. Margarets, en Nouvelle-Écosse. Judi avait écrit pour demander la position de son parti sur la CBC/Radio-Canada. Les conservateurs ont clairement exprimé leur intention de supprimer le financement de la CBC/Radio-Canada. Judi a fait part de la lettre de Perkins à l’ANR et notre président national, Dan Oldfield, l’a réfutée point par point. N’hésitez pas à partager cette lettre.
Perkins : La CBC reçoit chaque année près d’un milliard et demi de dollars de financement de la part du gouvernement libéral et produit du contenu et des informations en concurrence directe avec les diffuseurs privés, tant dans l’espace médiatique traditionnel qu’en ligne. En fait, la CBC exploite la plus grande agence de presse en ligne du Canada, en concurrence directe avec les agences de presse privées, notamment le Toronto Star, le Globe and Mail et des dizaines d’autres journaux imprimés. C’est dans l’espace d’information en ligne que la plupart des Canadiens se rendent aujourd’hui et que les organismes d’information privés doivent faire payer leur travail pour survivre. Pourtant, la CBC le distribue, en raison d’un soutien excessif des contribuables qui n’est pas disponible pour les entreprises privées, ce qui nuit à l’existence de l’information privée.
Oldfield : Le premier paragraphe explique en grande partie de quoi il s’agit. L’argument en faveur de la suppression de la CBC est motivé par des considérations politiques, et non financières. M. Perkins affirme que la CBC reçoit des fonds du « gouvernement libéral », ce qui implique que la CBC fait les affaires des libéraux. Mais les crédits alloués à la CBC ne proviennent pas d’un parti politique. Il provient du Parlement, comme c’est le cas depuis 1936, date à laquelle le Parlement a créé CBC en tant société d’État. Il s’agit du même type de paiement que celui accordé à tous les ministères et autres agents de la Couronne pour fournir un service obligatoire aux Canadiens. Il ne s’agit pas d’une subvention.
La CBC n’est pas en concurrence avec des organes de presse privés. Celles-ci existent côte à côte avec la CBC depuis sa création. En outre, la CBC n’est pas seulement un organe d’information. Les services qu’elle fournit, y compris les programmes artistiques et culturels, sont accessibles à tous les Canadiens. Il ne s’agit pas d’un produit « donné », mais d’un produit payé par tous les contribuables canadiens pour être utilisé par tous les Canadiens.
Perkins qualifie le montant accordé par le Parlement d’« excessif » et (plus loin) de « massif ». Pourtant, pour mener à bien un vaste mandat gouvernemental, CBC/Radio-Canada représente 0,12 % des dépenses publiques. CBC/Radio-Canada propose des programmes en anglais, en français et dans huit langues indigènes sur son service de radio national. Elle est le seul fournisseur de services dans plusieurs communautés. Son financement s’élève à environ 32 dollars par an et par habitant, ce qui la place au 18e rang des 20 pays occidentaux. Aucun autre radiodiffuseur public ne doit faire face aux complexités géographiques et linguistiques auxquelles la CBC est confrontée.
Perkins : En outre, ils nuisent aux communautés locales canadiennes où la CBC met injustement les médias locaux en faillite en leur faisant concurrence alors qu’elle est continuellement subventionnée et qu’elle n’a pas à réaliser de bénéfices pour continuer à fonctionner.
Oldfield : M. Perkins ne fournit aucune preuve que la CBC met les médias locaux en faillite. Il ignore totalement la concentration croissante de la propriété privée et les changements technologiques massifs que le secteur a connus. Les médias privés coexistent avec la CBC depuis sa création. Des journaux, des radios et des télévisions privés ont été rachetés par de grandes organisations qui ont fermé certaines parties de leurs activités pour maximiser leurs profits. La CBC n’existe pas pour faire de l’argent ; elle existe pour fournir un service public. Les médias privés existent pour faire de l’argent. En décrivant CBC comme un concurrent, M. Perkins semble s’opposer à tout ce qui empêche les entreprises privées de gagner de l’argent.
Perkins : Son mandat, tel qu’il est défini dans la loi sur la radiodiffusion, est de fournir des services qui « informent, éclairent et divertissent ». Je pense que le secteur privé, les sources en ligne et les médias locaux, avec un financement adapté à leurs besoins, peuvent le faire avec autant de succès, voire mieux, sans l’immense poids des gardiens gouvernementaux et de la bureaucratie qui pèsent sur la SRC en tant que société d’État.
Oldfield : Le point de vue de M. Perkins, en termes simples, est que les médias privés peuvent faire ce que fait la CBC avec autant de succès, sinon mieux. On peut se demander : si c’était le cas, pourquoi ne le font-ils pas maintenant ? Il semble également suggérer que des fonds seront accordés aux entreprises de médias privées pour qu’elles fassent ce que fait la CBC, mais sans la méchante surveillance du gouvernement, qu’il qualifie de « gardiens du gouvernement et de bureaucratie ».
Perkins : Le financement et le rôle que joue le gouvernement pour soutenir les artistes et les musiciens canadiens peuvent et doivent continuer, mais il n’est tout simplement plus logique d’utiliser la CBC comme véhicule pour le faire. Il existe d’autres voies qui ne contribuent pas à l’effondrement des médias locaux et qui continuent à être un gouffre financier qui se trouve dans la même situation qu’il y a 20 ans.
Oldfield : CBC est de loin le plus grand soutien financier de l’industrie culturelle canadienne. Il est naïf de suggérer que l’on retire CBC du paysage et que des « autres voies », soi-disant anonymes, combleront le vide. Si c’est le cas, pourquoi n’est-ce pas déjà le cas ? Nous avons certainement vu des médias privés s’emparer agressivement de contenus dont ils pensent qu’ils les rendront plus rentables – les sports professionnels, par exemple.
Perkins : Face à cette réalité, les avantages de maintenir la CBC telle qu’elle existe aujourd’hui, avec une subvention gouvernementale massive, ne sont pas clairs pour les contribuables canadiens ou pour la nécessité de réduire notre déficit incontrôlable en arrêtant les dépenses. Notre position est de dégraisser CBC en supprimant la subvention des contribuables.
Oldfield : Encore une fois, le mot « subvention » est utilisé. C’est peut-être ce que M. Perkins propose pour les entreprises de médias privées, mais ce n’est pas ce que reçoit CBC. Ce qu’il omet également de noter, c’est que pour chaque dollar fourni à la CBC, il y a un retour de deux pour un (source Deloitte). La plupart des entreprises considèrent qu’il s’agit d’un bon retour sur investissement.
Perkins : Les conservateurs se sont engagés à ramener un paysage médiatique canadien fort, peu importe où les Canadiens se trouvent. En réorientant les milliards dépensés chaque année pour des nouvelles et des émissions qui ne sont pas plus canadiennes que ce que font nos radiodiffuseurs locaux et privés, nos arts et notre culture peuvent bénéficier de plus d’attention et d’une meilleure orientation pour être couronnés de succès.
Oldfield : Alors que l’argument de M. Perkin s’affaiblit, le montant qu’il suggère de dépenser pour la CBC augmente : il s’agit maintenant de « milliards dépensés chaque année ». Quant au fait que la programmation de CBC n’est pas différente de celle des chaînes privées, il devient plus clair que M. Perkin ne regarde pas ou n’écoute pas CBC. Les chaînes privées (CTV et Global) diffusent entièrement des rediffusions de programmes américains aux heures de grande écoute. CBC ne diffuse que des émissions canadiennes. La programmation de CBC Radio/Radio Canada est complètement différente de celle des radios privées ; en particulier, il n’y a pas de publicité sur les radios de CBC/SRC.
Perkins : La suppression du financement de la SRC n’entraînera jamais la fin de notre soutien aux stations rurales comme celles de la Rive-Sud, ni aux activités de Radio-Canada, qui joue toujours un rôle important dans nos communautés francophones du Canada.
Oldfield : Il est difficile d’imaginer comment quelqu’un peut croire qu’il peut réduire d’un milliard de dollars le budget de la CBC/SRC et maintenir les services en français et/ou les services aux petites communautés. Il est clair qu’on ne comprend pas comment fonctionne le financement de la SRC/CBC et comment fonctionne l’interdépendance des services en français et en anglais. Actuellement, les services en français utilisent environ 40 % du budget annuel. Cela ne comprend pas entièrement le coût de l’infrastructure partagée (bâtiments, installations techniques, personnel, ressources humaines, etc.
S’il s’agissait d’une véritable tentative de réduction des déficits, la SRC ne serait pas une cible. La SRC restitue à l’économie et aux communautés qu’elle sert plus qu’elle ne reçoit. Cette réponse met en évidence plusieurs points. La campagne visant à supprimer le financement de la SRC est une quête politique. La principale préoccupation du gouvernement conservateur est de rendre les entreprises privées plus rentables au détriment d’un service public. S’en prendre à la CBC, qui a été chargée de surveiller les actions et les décisions du gouvernement (tant conservateur que libéral), n’est rien d’autre qu’une tentative mal déguisée d’éviter la surveillance et la critique du gouvernement, toutes deux essentielles à la préservation de notre démocratie.